Henriette Theodora Markovitch, née le 22 novembre 1907 dans le 6e arrondissement de Paris et morte le 16 juillet 1997 à Paris dans le 4e arrondissement, est une photographe et peintre française, connue sous le pseudonyme de Dora Maar. Elle fut l’amante et la muse de Pablo Picasso, rôle qui a éclipsé l’ensemble de son œuvre.
Henriette Theodora Markovitch est la fille unique de Joseph Markovitch (1875-1969), architecte croate qui a étudié à Zagreb, Vienne puis Paris où il s’installe en 1896, et de Louise-Julie Voisin (1877-1942), originaire de Cognac (Charente) et catholique.
En 1910, la famille part pour Buenos Aires où le père a obtenu plusieurs commandes dont l’ambassade d’Autriche-Hongrie ; cette réalisation lui vaut d’être décoré par l’empereur François-Joseph 1er, même s’il fut « le seul architecte qui n’ait pas fait fortune à Buenos Aires. »
En 1926, la famille revient à Paris. Dora Maar, pseudonyme qu’elle se choisit, suit les cours de l’Union centrale des arts décoratifs et de l’École de photographie. Elle s’inscrit également à l’Académie Julian à l’École des Beaux-arts, qui a l’avantage d’offrir le même enseignement aux femmes qu’aux hommes. Dora Maar fréquente l’atelier d’André Lhote où elle rencontre Henri Cartier-Bresson.
L’atelier cesse ses activités, et Dora Maar part, seule, à Barcelone puis à Londres, où elle photographie les effets de la dépression économique consécutive à la crise boursière de 1929 aux États-Unis. À son retour, et avec l’aide de son père, elle ouvre un autre atelier au 29 rue d’Astorg, (Paris 8e).
Début 1930, elle installe un atelier de photographie rue Campagne-Première8 (Paris 14e) avec Pierre Kéfer, photographe et décorateur pour le film de Jean Epstein, La Chute de la Maison Usher (1928). Elle fait la connaissance du photographe Brassaï avec qui elle partage la chambre noire de l’atelier. Dora Maar rencontre Louis-Victor Emmanuel Sougez, photographe travaillant pour la publicité, l’archéologie et directeur artistique du journal L’Illustration (à partir des années 1930), qu’elle considère comme un mento.
En 1932, elle a une liaison avec le cinéaste Louis Chavance. Dora Maar fréquente le groupe Octobre, formé autour de Jacques Prévert et Max Morise après leur rupture avec le surréalisme.
Sa première exposition personnelle est organisée à la Galerie Vanderberg, à Paris.
Par l’intermédiaire d’une association d’extrême-gauche antistalinienne, Masses, dirigée par René Lefeuvre et administrée par Jacques Soustelle, ouverte aux marxistes et non-marxistes, avec le soutien, notamment, de Simone Weil, elle rencontre Georges Bataille, membre de cette association depuis octobre 1933. Après les manifestations fascistes du 6 février 1934 devant l’Assemblée nationale française, elle signe le tract Appel à la lutte rédigé à l’initiative d’André Breton.
Fin 1935, Dora Maar est engagée comme photographe de plateau sur le film de Jean Renoir, Le Crime de Monsieur Lange. À cette occasion Paul Éluard lui présente Pablo Picasso. Leur liaison va durer près de neuf années, sans que Picasso ne rompe pour autant sa relation avec Marie-Thérèse Walter, mère de sa fille Maya.
Dora Maar photographie les étapes successives de la création de Guernica, tableau que Picasso peint dans son atelier de la rue des Grands-Augustins de mai à juin 193714 ; Picasso a utilisé ces photos dans son processus de création15. Parallèlement, elle est le principal modèle de Picasso qui la représente le plus souvent en larmes, elle-même réalise plusieurs autoportraits intitulés La Femme qui pleure.
Ce sont cependant les travaux de la période surréaliste qui demeurent les plus recherchés par les amateurs : Portrait d’Ubu (1936), 29 rue d’Astorg, Sa sœur noire, collages ou photo-montages.
Sa liaison avec Picasso s’achève en 1943, bien qu’ils se revoient épisodiquement jusqu’en 1946. Ainsi le 19 mars 1944, elle tient le rôle de l’Angoisse grasse, lors de la lecture chez Michel Leiris de la première pièce de Picasso, Le Désir attrapé par la queue, conduite par Albert Camus. En 1944, par l’intermédiaire de Paul Éluard, Dora Maar rencontre Jacques Lacan qui la soigne de sa dépression nerveuse en lui administrant des électrochocs, interdits pourtant à l’époque. Picasso lui achète une maison à Ménerbes, dans le Vaucluse où elle se retire et y vit seule. Elle se tourne vers la religion catholique, rencontre le peintre Nicolas de Staël qui habite le même village et peint des tableaux abstraits.
L’œuvre peinte de Dora Maar est restée méconnue jusqu’à la vente posthume, organisée en 1999, qui fait découvrir au public et aux professionnels une production très personnelle qui n’avait jamais quitté son atelier.
Dora Maar abandonne la photographie pour la peinture aux côtés de Picasso. L’influence, ou plutôt l’écrasante présence du maître, lui impose un style cubisant qui souffre de la comparaison avec son modèle. Poussée par Picasso à s’exprimer dans ce style, on peut s’interroger sur cette volonté de Picasso d’éloigner son amante du domaine où elle excelle, pour la contraindre dans la peinture qu’il maîtrise depuis longtemps.
C’est à partir de la douloureuse séparation d’avec Picasso que Dora Maar devient vraiment peintre. Les œuvres tragiques figuratives, tels le Portrait d’Éluard, ou l’Autoportrait à l’enfant de 1946, traduisent, par des tons sombres, la douleur des années d’après-guerre.
Après des années de lutte, entre dépressions et mysticisme, l’enfermement volontaire de Dora Maar avec ses souvenirs connaît une brève embellie dans les années 1960 à 70, avec des Grands formats abstraits aux couleurs chatoyantes. Mais c’est à partir des années 1980 que le peintre s’exprime pleinement dans ses multiples tableaux du Luberon, où les paysages sauvages autour de sa maison de Ménerbes, balayés de nuages et de vent, révèlent avec force la lutte d’une artiste aux prises avec les fantômes de son passé.
De 1946, année de sa séparation d’avec Picasso, jusqu’à son décès en 1997, elle partage son temps entre Ménerbes et Paris où elle vit pauvrement, recluse, coupée volontairement de ses anciens amis. En 1990 Marcel Fleiss expose, dans sa galerie rue de Penthièvre à Paris, une série de ses tableaux. Dora Maar est inhumée au cimetière du Bois-Tardieu à Clamart.
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