Alors que le peuple de Paris attendait des journées de juillet 1830 le rétablissement de la République, les députés et les journalistes constitutionnels, c’est-à-dire libéraux, qui ont appelé à l’insurrection contre Charles X, lui font accepter comme roi le duc Philippe d’Orléans, fils du régicide Philippe-Egalité. Si le nouveau régime demeure une monarchie – la monarchie du Juillet –, ses textes organiques (Charte, loi électorale, etc.) sont modifiés pour rassurer la bourgeoisie, aussi inquiète de l’agitation républicaine que d’un retour à l’Ancien Régime, et garantir aux notables le pouvoir politique et économique. Dès mars 1831, le gouvernement est confié à la frange la plus conservatrice des orléanistes, le parti « de la résistance » (Casimir Perier, Guizot, Thiers). Chargé de rétablir l’ordre, il rencontre évidemment l’hostilité de la presse républicaine, dont Charles Philipon, fondateur de La Caricature, journal auquel Daumier collabore dès 1830, est l’une des figures les plus véhémentes. La « guerre de Philipon contre Philippe » vaudra d’ailleurs au journaliste procès et incarcérations.

Gargantua est l’une des toutes premières grandes lithographies politiques de Daumier. On y voit le roi Louis-Philippe assis sur son trône et qui accueille dans sa bouche immense une longue échelle descendant jusqu’au sol. Sur cette échelle grimpent des valets qui déversent des hottes d’écus dans la bouche du roi. En bas à droite, une hotte est en train d’être remplie avec l’argent qu’apporte une multitude dans laquelle il faut reconnaître des artisans et négociants. Sous l’échelle, aux pieds du roi, des personnages mieux vêtus, des privilégiés, récoltent les pièces échappées pendant le transport. Enfin, en bas à gauche, des notables en habit attrapent les brevets et les décorations qui tombent du trône royal (en fait une chaise percée) et se précipitent vers l’Assemblée nationale.
Remise au dépôt légal le 15 décembre 1831, Gargantua fut exposée dans la vitrine de La Caricature, galerie Véro-Dodat, pour attirer les badauds, avant que tous les exemplaires ne soient saisis par la justice et la pierre lithographique brisée. Son inspiration rabelaisienne et scatologique constituait évidemment une grave offense à la personne du roi, dont on notera que le visage épouse déjà la forme d’une poire (selon l’idée de Philipon, souvent reprise ensuite par Daumier). Elle valut de fait au dessinateur d’être condamné à six mois de prison et à une amende de 500 F « pour excitation à la haine et au mépris du gouvernement ». Laissé en liberté provisoire, Daumier ne sera incarcéré qu’après la publication, en août 1832, de deux autres charges contre le régime, Les Blanchisseurs et La Cour du roi Pétaud.

Gargantua-Louis-Philippe, c’est l’Etat sous son aspect fiscal. A travers cette planche, Daumier, artiste républicain, s’en prend donc à un régime qui, au mépris des aspirations démocratiques de 1830, profite surtout aux notables, nouveaux oisifs, opposés ici aux gens qui travaillent et produisent (noter, sur la droite, comme l’horizon est clair derrière eux, au-dessus du paysage maritime et industriel, et comme il est noir au-dessus du Palais-Bourbon à gauche). La critique formulée ici par Daumier doit être cependant interprétée à la lumière des conflits politiques du temps, car il est clair que, dans l’idéologie libérale autant que dans l’idéologie républicaine, le travail des « gens utiles » revêtait une valeur éminemment positive. Il faut souligner aussi que la parution de Gargantua intervient à un moment où la répression menée par le gouvernement « de résistance » contre l’agitation politique et sociale se durcit, dans un climat de malaise économique : les manifestations républicaines sont réprimées dans la capitale (juin-octobre) et, à Lyon, l’insurrection des ouvriers canuts, qui réclament la fixation d’un barème de salaires, éclate le 20 novembre et sera réprimée le 3 décembre. A ces différents événements, Daumier consacra plusieurs lithographies.

Source : Robert FOHR, « Gargantua », Histoire par l’image
URL : http://www.histoire-image.org/fr/etudes/gargantua

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