La maison de vente aux enchères Briscadieu Bordeaux en partenariat avec artexpertise.fr et le cabinet d’expertise A.Maréchal présentent la 6 ème vente aux enchères de peintures Bordelaises, du bassin d’Arcachon, des Landes et du Pays basque. 

Véritable tour de force dans son organisation, cette vente composée de 278 tableaux est l’aboutissement de près d’un an de travail. 

Cette vacation offrira un large panorama de la peinture Bordelaise du milieu du 19 ème siècle jusqu’aux années 1970. 

Le clou de la vente sera incontestablement la collection de tableaux provenant de la collection de la Caisse d’Epargne de Dax présentés pour la première fois en vente publique. 

Entièrement constituée autour de la peinture Landaise de la première moitié du 20 ème, cette collection présente des oeuvres majeures de Alex Lizal et de Jean Roger Sourgen.

Contemporaine du Crépuscule au Lac blanc, conservée au musée de Borda à Dax, dont elle offre un format équivalent, le n° 179 de la vente « Etang Landais, 1938 », constitue l’un des chefs d’oeuvre de Jean-Roger Sourgen par ce sentiment d’harmonie, l’équilibre des masses, l’accord subtil des gris colorés qui se dégage de cette grande huile sur toile.

Autre point fort de cette vente aux enchères exceptionnelle, la mise en vente de 25 tableaux du peintre post impressionniste Bordelais Joseph Lépine de la collection du Docteur Goigoux,  ensemble le plus important présenté en vente publique depuis 40 ans, un évènement d’autant plus remarquable qu’elle présente à peu près toutes les facettes du peintre, des œuvres majeures et des petites études, et à peu près tous les lieux et toutes les époques de sa peinture. 

Quelques numéros plus loin, on remarquera cette petite huile sur panneau « Sur la Garonne, 1887 »
du peintre Bordelais d’origine anglaise, Alfred Smith. Peintre renommé en son temps, comme le relate le journal « La vie Bordelaise » chaque exposition personnelle chez les Frères Imberti à la fin du XIXe, déplace le tout Bordeaux mondain, élégant et artistique. élève de Chabry et de Pradrelles, peintres paysagistes Bordelais, il part s’installer à Paris en 1901. Sociétaire du salon des artistes Français, il participe à la création de la Sté nationale des Beaux-Arts en compagnie de son ami peintre Alfred Roll.

Sur la Garonne, 1887 

« A l’avant d’un voilier, un enfant en vareuse et chapeau de paille, regarde un bateau à vapeur sur la rive opposée de la Garonne. L’arabesque de la fumée traduite de manière elliptique s’oppose à la verticalité du mât qu’entoure le jeune garçon. 

Une fois décrassé de son vernis centenaire, le panneau de 1887 restituera les jeux subtils de la lumière originelle et n’aura rien à craindre du voisinage d’un Manet, ce qu’avait déjà révélé en 2010 l’exposition Peinture et société au temps des Impressionnistes, réalisée au musée des Beaux-Arts de Bordeaux. 

Avec ses touches larges, séparées, gestuellement affirmées en pleine pâte, la pochade enlevée sur le motif s’affranchit de la précision naturaliste des toiles que l’artiste envoie au salon. 

Dans cet instantané qui capte des impressions éphémères, la liberté d’écriture traduit la force du vent qui gonfle la voile, déporte la fumée, pousse les nuages. Cette rapidité dans l’exécution évoque la modernité baudelairienne qui se définit par le mouvement. 

Adoptant le cadrage rapproché des photographes, Smith coupe hardiment la barque selon un procédé pratiqué par Manet pour En bateau, 1875 ( New York, The Metropolitan Museum of Art ). L’enfant tournant le dos au spectateur se conforme au texte de Duranty, La Nouvelle peinture, 1876, soulignant l’expressivité des figures vues de dos dans l’oeuvre de Degas. Smith cultive ainsi le mystère et recentre l’attention sur ce qui compose la plasticité de l’oeuvre, les jeux de touche et de lumière, la clarté qui inonde la page dans un art consommé des modulations de blancs et de beiges, qu’exacerbe le pantalon noir. 

En 1885, Jean Thorey déclare à propos de Smith : « ses oeuvres sont conçues d’un seul jet à la suite d’une sorte de méditation intense qui en arrête le plan, la donnée, l’effet (…) Ajoutez à cela une extrême délicatesse dans le coloris, un sens exquis des valeurs, (…) une touche vraiment personnelle ». « M. Alfred Smith, qui s’est complètement renouvelé depuis quelques années, témoigne (…) d’une rare virtuosité de palette, comme d’une prédilection, sans doute raisonnée, pour des verts d’une acidité presque agressive », note en 1926 La France de Bordeaux et du Sud Ouest . Jean-Roger Soubiran (Catalogue de vente aux enchères Briscadieu Bordeaux 22/01/22)

A retenir également, ce rare ensemble de tableaux du peintre symboliste Emile Brunet (1869 – 1943 ). Elève de l’École des Beaux-Arts de Bordeaux puis élève de l’École des beaux-arts de Paris, il étudie dans l’atelier de Gustave Moreau. 

Ami du peintre Georges Rouault, il est l’un des rares peintres Bordelais adepte du symbolisme.

De retour à Bordeaux en 1896, il devient professeur à l’école des beaux arts de la ville et fonde la Société l’Atelier (1905).

Sociétaire du salon des des artistes français, il présente un tableau intitulé Sainte-Élisabeth de Hongrie (Le Miracle des roses) qui sera acheté par le Musée des beaux-arts de Bordeaux. Emile Brunet élabore une œuvre foisonnante, déclinant  tour à tour des sujets mythologiques, religieux ou profanes.

En 1904, il achète un petite maison de pêcheurs dans le hameau des jacquets sur le bassin d’Arcachon. Loin des tracas de la ville , il est séduit par le calme et la sérénité du lieu qui devient une source d’inspiration et pratique la peinture de plein air dans une technique proche des post impressionnistes. La mer, la forêt de pin, la plage deviennent les sujets de prédilection des cette production d’oeuvres sur petits panneaux.

Parallèlement à cette production de paysagiste, Brunet mène une carrière prolifique de peintre religieux. Il a effectivement produit nombre de tête de Christ, de vierges, de représentation de Saint François d’Assisse, de Sainte Geneviève, et des chemins de croix, tous les sujets propres à l’art sacré.

PEUT-ON PARLER DE « PEINTURES BORDELAISES » ?

C’est au regretté professeur Robert Coustet, éminent historien de l’art bordelais, que nous devons l’appellation de « peintures bordelaises » pour la vente annuelle de tableaux girondins qu’organise fidèlement l’étude Briscadieu. Tout autre nom eût été plus restrictif.

« Peintres bordelais », d’abord, ne convenait pas, car bien des peintres ont travaillé à Bordeaux qui n’étaient pas bordelais d’origine. Certains même y ont fait école, comme le saintongeais Louis Auguin, le breton Louis Cabié, le suisse Amédée Baudit. Et bien des vues de Bordeaux ou de sa région sont dues à des artistes de passage. L’on célèbre ainsi depuis quelques années le modernisme subtil des vues du bassin d’Arcachon par Willem Van Hasselt. Or celui-ci était un peintre hollandais, fixé à Paris, qui passait sur le Bassin des vacances avec sa belle-famille : son œuvre très varié est loin de se résumer à la Gironde.

« Régionalisme bordelais » ne faisait pas non plus l’affaire, car nombre de natifs de Bordeaux ont accompli de brillantes carrières nationales ou internationales. Si Rosa Bonheur fut une star mondiale, rien dans sa production ne se rattache à sa province natale. Elle n’en a pas moins sa statue au Jardin public. Albert Marquet n’est bordelais que par les hasards de la naissance, et il n’aimait guère sa ville à laquelle il n’a tardivement consacré qu’une poignée de tableaux. C’est cependant le musée de Bordeaux qu’a choisi sa veuve pour faire un legs majeur. D’autre part, qui sait que des peintres comme Jean-Gabriel Domergue ou Edy Legrand, l’un coté pour ses Parisiennes nues, l’autre pour ses scènes marocaines, sont tous deux nés à Bordeaux ?

Enfin, malgré le plaisir que nous avons à retrouver des témoignages sur notre province, la peinture bordelaise ne saurait se réduire à des vues régionales. Bordeaux a engendré des paysagistes, mais aussi des animaliers comme Raymond Brascassat, des orientalistes comme Adrien Dauzats, – des marinistes – comme Richard Faxon ou Pierre-Louis Cazaubon, des grands décorateurs comme François-Maurice Roganeau ou Jean Dupas, des portraitistes comme Paul Quinsac (qui fut aussi un sublime « pompier »), etc. L’un des plus grands peintres bordelais, le symboliste Odilon Redon, n’a laissé de son Médoc que quelques pochades à usage intime. Il faut pourtant lire ses textes pour comprendre combien, dès son enfance, la magie de l’église Saint-Seurin ou la mélancolie des landes médocaines ont imprégné son étrange univers.

Bref, la peinture bordelaise est un vaste monde que toute dénition trop étroite empêcherait d’appréhender dans sa complexité. Le premier préjugé que nous souhaitons écarter est qu’il s’agirait d’un monde clos, où l’art se trouverait en quelque sorte sous cloche, pur produit du terroir mûrissant sans ingérence externe. Bien au contraire, l’art bordelais a toujours été fait de passages et de brassages. Il faut savoir que le premier tableau bordelais identié, une Vierge de pitié datée de 1469 et conservée au Musée des beaux-arts, est l’œuvre d’un Flamand (ou d’un Allemand) nommé Hans Clot ! Dès la n du XVIIIe siècle, beaucoup d’artistes qui se formaient à Bordeaux allaient perfectionner leur métier à Paris, où ils découvraient les tendances contemporaines. Les meilleurs décrochaient un premier ou second prix de Rome qui leur permettait de passer quelques années dans la Ville éternelle et d’amorcer une brillante carrière. Ce fut le cas du créateur de l’école des beaux-arts et du musée de Bordeaux, Pierre Lacour (1745-1814), premier artiste de la cité à se rendre à Rome avec son ami Taillasson. Au début du vingtième siècle, les beaux-arts de Bordeaux se gloriaient d’être une pépinière de prix de Rome !

Par ailleurs, c’est une bonne partie de l’art français ou européen qui passait par Bordeaux à l’occasion du salon annuel des Amis des Arts de Bordeaux. Du Second Empire à 1939, cette manifestation artistique et commerciale a permis aux Bordelais de découvrir un vaste panorama de l’art de leur temps – à commencer par des Delacroix majeurs qui sont rentrés dans leur musée. Si tous les peintres ociels étaient représentés, on y a vu aussi des novateurs comme Manet, Boudin ou Monet. Il faudrait aussi parler du rôle de galeries telle qu’Imberti, l’une des premières en province à montrer des impressionnistes.

En sens inverse, Bordeaux a connu des mouvements identitaires dont le but était d’armer avec erté l’existence d’une école locale, capable de produire des artistes de bon niveau. La première manifestation en fut la création au Siècle des Lumières d’une académie de peinture, sculpture et architecture qui dispensa un enseignement et organisa dès 1771 des expositions artistiques dans la cité. Forts de leur réussite à Paris, certains Bordelais ont tenu à maintenir des relations dèles avec leur ville natale et à y encourager le progrès des arts. Ce fut par exemple le cas d’Adrien Dauzats à l’époque romantique, ami de Delacroix qui fut l’un des piliers des Amis des Arts ; ou de Jean Dupas à l’époque Art déco, qui prota de ses liens avec le maire Adrien Marquet pour guider une politique de grands décors monumentaux (Bourse du Travail). Après la Deuxième Guerre mondiale, on a de la peine à compter tous les groupes qui sont nés pour introduire l’avant-garde à Bordeaux et nourrir une vitalité créatrice.

Les possibilités d’apprentissage oertes par l’école municipale des beaux-arts, le développement d’un marché de l’art grâce aux salons annuels de peinture et à l’apparition de galeries, ont contribué à la naissance, non pas d’une école bordelaise homogène, mais de plusieurs mouvements picturaux marqués par une « identité génétique » girondine. Citons-en deux. Le XIXe siècle a vu à Bordeaux l’expansion d’un courant paysager riche de dizaines d’artistes, dont la production commence sous la Restauration pour s’éteindre au milieu du XXe siècle. Stimulé par l’essor du régionalisme et par l’introduction de la lithographie, ce courant connaît une première phase marquée par le romantisme et le goût de l’archéologie médiévale, – avec Gustave de Galard, Jean-Paul Alaux (premier du nom)ou Léo Drouyn -, et se poursuit dans la seconde moitié du siècle avec des peintres marqués par Corot et Courbet : Louis Auguin, Léonce Chabry, Hippolyte Pradelles, etc. On peut véritablement parler là d’une grande école bordelaise de paysage, qui explora notamment les sites des landes ou du bassin d’Arcachon.

Dans l’Entre-deux-guerres, quelques grands prix de Rome issus de l’école des beaux-arts de Bordeaux – où ils reçurent les cours des décorateurs de théâtre Artus et Lauriol – marquèrent l’art de la grande décoration, celle des monuments officiels, des expositions universelles, des paquebots, par un style mêlant académisme et modernité. A propos de ces artistes (Jean Dupas en premier lieu, puis Jean Despujols, François-Maurice Roganeau, Raphaël Delorme ou le céramiste René Buthaud), on a pu parler lors de leur réhabilitation d’une « école Art déco de Bordeaux ». En réalité, autour de Jean Dupas, c’est un noyau de Bordelais qui s’est retrouvé au cœur d’une dernière apothéose de l’académisme parisien – au point qu’on a assimilé à l’école de Bordeaux un prix de Rome comme Alfred Janniot qui a travaillé avec Dupas sans être bordelais lui-même. Après la Seconde Guerre, la décoration monumentale sera illustrée par André Lhote (avec l’immense Gloire de Bordeaux de la Faculté de Médecine) et par son élève Pierre Théron, auteur d’impressionnants décors pour l’usine SAFT ou pour la Maison du Paysan.

Ce vaste champ historique qu’est la peinture bordelaise s’enrichit, au fil des ans, de tableaux réapparus qui aident à la mieux connaître et à percevoir toutes ses nuances. C’est à ces découvertes que s’emploie ici la maison Briscadieu, pour l’histoire de l’art et pour le plaisir de tous.
Jacques Sargos